Publié à l’origine en 2003, ce roman a été écrit au beau milieu de la série des Erlendur, puisque La cité des Jarres date de 2000. Comme s’il avait voulu tenter un coup d’essai. C’est un essai réussi, très réussi même.
Le narrateur est enfermé dans la prison de Lital-Hraun, à Eyrarbakki, en détention provisoire. Il est accusé du meurtre de Tomas Ottosson Zoega, mais il nie tout en bloc. Sa position est de se présenter en tant que victime d’une machination, d’une conspiration dont il va essayer de comprendre les tenants et les aboutissants.
Le narrateur est spécialisé en droit économique, et ce matin là, il venait faire une conférence au cinéma de l’université, sur la situation des négociations des armateurs islandais à Bruxelles. Dans l’assistance, une femme, incontournable, sublime, Betty. Elle va l’accoster pour lui demander de venir travailler pour son mari, richissime armateur qui ne comprend rien aux nouvelles règles de l’Union Européenne. Il sera grassement payé, assure-t-elle.
Elle va le harceler, le pousser, lui téléphoner plusieurs fois par jour, jusqu’à ce que, finalement, il accepte. C’est surtout le fait que Tomas frappe sa conjointe (bien qu’ils ne soient pas mariés) et le fait qu’il va se retrouver hypnotisé par cette femme fatale qui va le décider. Ils vont devenir amants et le narrateur va décrire comment il va devenir une victime.
Ce roman est un classique du roman noir revisité par Arnaldur Indridason. Il reprend par le fond et la forme tout ce qui fait un bon polar. D’ailleurs, il fait clairement référence à Le facteur sonne toujours deux fois de James M.Cain, dont il cite un passage en introduction de son roman. Si l’intrigue est donc connue, si le style est toujours aussi plaisant, le roman se détache par la manipulation dont il fait montre … et dont je ne peux rien dire sans dévoiler la perle de l’intrigue.
On y trouve donc un mari, une femme et son amant. Le mari est violent, frappe sa femme et celle-ci ne peut le quitter à cause de l’argent. Le narrateur, choisi ou pas par la femme (c’est une des questions du roman) va jouer un rôle dans ce drame et être le complice du drame qui est le meurtre du mari. Dit comme ça, cela parait simple voire simpliste.
Oui mais voilà ! Après nous avoir installé dans le personnage principal, Indridason nous réserve une belle surprise en plein milieu du livre. Cela nous remet à notre place, et le plaisir rebondit devant cette histoire savamment construite. C’est finalement un bel exemple d’histoire faite avec des personnages classiques, sur une trame classique revisitée par un auteur qui décidément n’en finit pas de me surprendre. Betty ne fait que confirmer le talent de cet auteur islandais.