Ce blog a pour unique but de faire partager mes critiques de livres qui sont essentiellement des polars et romans noirs. Pour me contacter : pierre.faverolle@gmail.com
Voici ma dernière lecture sélectionnée pour le trophée 813, et il s’agit de Le bloc de Jérome Leroy, une sorte de document sous forme de roman noir sur le Front National. Ce fut
une lecture en demi teinte.
La quatrième de couverture est explicite sur le contenu de ce roman : Sur fond d’émeutes de plus en plus incontrôlables dans les banlieues, le Bloc Patriotique, un parti d’extrême droite, s’apprête à entrer au gouvernement. La nuit où tout se négocie, deux hommes, Antoine et Stanko, se souviennent. Antoine est le mari d’Agnès Dorgelles, la présidente du Bloc. Stanko est le chef du service d’ordre du parti. Le premier attend dans le salon d’un appartement luxueux, le second dans la chambre d’un hôtel minable. Pendant un quart de siècle, ils ont été comme des frères. Pendant un quart de siècle, ils ont participé à toutes les manips qui ont amené le Bloc Patriotique aux portes du pouvoir. Pendant un quart de siècle, ils n’ont reculé devant rien. Ensemble, ils ont connu la violence, traversé des tragédies, vécu dans le secret et la haine. Le pire, c’est qu’ils ont aimé cela et qu’ils ne regrettent rien. Ils sont maudits et ils le savent. Au matin, l’un des deux devra mourir, au nom de l’intérêt supérieur du Bloc. Mais qu’importe : à leur manière, ils auront écrit l’Histoire. Plus qu’un simple roman noir, Le Bloc est un roman politique qui cherche à répondre à une question de plus en plus cruciale : comment expliquer et surtout comprendre l’affirmation de l’extrême droite dans les 30 dernières années ? En plongeant le lecteur dans la tête des deux protagonistes centraux, dans une posture empathique et compréhensive à mille lieux de la critique antifasciste traditionnelle, Jérôme Leroy prend des risques. La critique, bien présente, est ici en creux, elle se dessine dans l’esprit même du lecteur sans que l’auteur ait besoin de la formuler. En décrivant le parcours de ces deux hommes, il peint un tableau général de la déliquescence politique française contemporaine : disparition progressive du PC, abandon de la classe ouvrière par une gauche socialiste « boboisé » qui se réfère plus à l’idéologie libéralo-libertaire de Mai 68 qu’à la lutte des classes, droite de plus en plus arrogante, tournée vers le business et les profits transnationaux. Leroy décrit une société française à l’agonie, une poudrière qui éclate soudainement lors d’émeutes dont tout le monde parlait mais que personne en réalité n’a vu venir. Son constat fait mouche et oblige son lecteur à reconsidérer l’espace politique qui l’entoure.
C’est donc à une plongée au cœur du Front National, au travers deux personnages : Antoine, le mari de Agnès et auteur des discours de sa femme et Starko le responsable de service d’ordre. Chacun a droit en alternance à un chapitre : ceux d’Antoine sont écrits à la deuxième personne du singulier comme si on discutait avec lui ; ceux de Starko sont à la première personne du singulier. Si cela peut paraitre un effet de style, cela créé aussi un effet de rapprochement et de malaise.
Et le malaise est bel et bien présent à la lecture, car hormis la documentation qui est impressionnante, les faits sont éloquents et la psychologie des protagonistes fait clairement froid dans le dos. Se dire que ce parti possède sa propre milice armée, prête à suivre aveuglément les ordres, montre à quel point, même avec une volonté de paraitre lisse et engageant, ce parti représente avant tout un danger pour la démocratie et pour tous les habitants de ce pays.
Ceci dit, même si je ne renie pas ni les messages, ni les qualités littéraires aussi bien dans la forme que dans le fond, je dois avouer n’avoir pas été convaincu par ce roman. Certes il y a des scènes de bataille extraordinaires, des dialogues ahurissants, mais le parti pris de l’auteur de rester au second plan, de ne pas prendre du recul pour uniquement montrer l’avis des membres du parti, a fini par me laisser au bord du chemin. Je pense qu’il y a des gens qui vont adorer ce livre, d’autres qui vont être sceptiques, il n’en reste pas moins que ce roman est à lire, ne serait ce que pour sa description d’un parti politique, prêt à tout moment à prendre le pouvoir, et s’il le faut, par la force.