Les éditions Asphalte ont le don de dénicher des auteurs rarement connus chez nous, et qui sont d’une grande qualité littéraire. Ce roman irlandais recèle de grandes qualités sur un sujet
original traité avec humour.
Dans le petit village de Tyreelin, dans le comté de Cavan, la vie est compliquée pour les habitants à cause de la guerre qui sévit entre les deux Irlande. Et comme ce village est situé à quelques kilomètres de la frontière, le quotidien des habitants est parsemé d’attentats, d’arrestations et de morts violentes.
Patrick Braden est un enfant qui naît dans ce monde en guerre, fils illégitime d’un curé et d’une mère qu’il n’a jamais connu puisqu’elle l’a abandonné. Je dis il mais je devrais dire elle, car, depuis tout petit Patrick se sent femme. Malgré les moqueries dans la rue quand il porte un vêtement volé à La Moustachue, la femme qui l’élève, il cherche avant tout le bonheur dans sa personnalité féminine en se faisant appeler Pussy.
Pussy ne peut pas vivre longtemps comme ça. Elle quitte le domicile soi-disant familial pour se retrouver entre les bras de Totoche, le surnom qu’elle a donné à un politicien marié. Celui-ci trouvant la mort dans un attentat, elle part à nouveau, et son départ qui passe par Dublin et Londres, devient autant une fuite de son monde qu’une recherche de sa vraie mère et qui elle est.
Quand on n’a pas de chance, quand on commence la vie sans repère, sans famille et sans personnalité, la vie ne peut qu’être un enfer. Celle de Pussy en est un, mais comme le roman est écrit à travers son personnage, et qu’elle ne veut pas se laisser aller au désespoir, le ton est résolument léger, désinvolte et désenchanté, voire grinçant ou cynique. Patrick McCabe nous montre un pays, soumis à des attentats violents et aveugles. Et au milieu, il y a des gens, des peuples qui ne comprennent pas, essayant de vivre leur vie. Il n’y a pas meilleur moyen pour montrer l’absurdité d’un tel conflit. Mais le sujet n’est pas là, il est dans une quête d’identité.
Car c’est bien le personnage de Pussy qui remplit les pages. Pussy est bavarde, elle parle, digresse, est légère, parfois se fait plus grave mais elle a toujours la bonne remarque pour repartir de l’avant. C’est un garçon qui rêve, qui vit dans ses rêves, et qui ne cherche qu’une chose, trouver l’amour qu’on ne lui a jamais donné. C’est écrit comme une improvisation, additionnant les personnages et les situations d’un point de vue détaché, humoristique, et on se prend à suivre ses pérégrinations avec beaucoup d’empathie pour ce garçon fille qui ne sait pas qui il est. C’est une lecture originale et prenante qui pourra en rebuter certains par les longueurs dues au personnage de Pussy qui est une bavarde inconditionnelle. Une leçon d’optimisme !