Fayard noir a décidé de démarrer son année en février. Pourquoi pas ? Ceci dit, il semblerait bien que
nous, lecteurs, ayons eu raison de patienter, voire d’attendre. Pourquoi je dis cela ? Lisez donc ces quatrièmes de couvertures et vous allez comprendre. Pour lancer le bal, le dernier Larry
Foundation, puis 2 premiers romans. Et comme j’aime lire les premiers romans, il y a de fortes chances que vous en entendiez parler ici même. En attendant, voici de quioi vous mettre l’eau à la
bouche …
Criminels ordinaires de Larry Fondation (sortie le 6 février) :
Criminels ordinaires est le deuxième roman de Larry Fondation, après Sur les nerfs (qui sort au Livre de poche), et le deuxième d’un cycle de
huit titres consacrés à la ville de Los Angeles : The Unanimous Night. Sur une vingtaine d’années, du milieu des années 1980 au milieu des années 2000, chacun de ces romans est un chapitre d’une
vaste biographie de la ville des Anges, et une histoire de la pauvreté dans la plus grande démocratie du monde. Larry Fondation donne un corps, un visage et une voix aux plus pauvres et à tous
ceux qui se marginalisent : jeunes en rupture, individus irresponsables, escrocs, voleurs, proxénètes, junkies, sans-abris…
Criminels ordinaires. Les personnages de Larry Fondation sont au bord de la marginalisation. À deux doigts du
passage à l’acte qui libère le criminel tapi en soi. Une femme provoque la mort d’un mendiant au feu rouge et prend la fuite. Une bande d’adolescents hyper-alcoolisés viole un de leur copain et
sa mère. Un inconnu meurt sous les coups de son racketeur. Un couple de braqueurs vit une cavale éternelle au Mexique…
En 1992, année des émeutes de L.A., la ville compte plus de 1000 homicides par an. À l’époque, les rappeurs
afro-américains NWA, originaires de Compton, banlieue sud de L.A., étaient les seuls à en parler, et étaient vivement critiqués. Mais aucun écrivain de fiction ne s’était encore aventuré à
écrire, dire, raconter la criminalité ordinaire, le fait-divers cru à Los Angeles.
À l’époque, pour les plus pauvres, Los Angeles ressemble à l’Enfer.
Cet enfer, Larry Fondation le saupoudre d’humour, noir bien sûr. « Pour qu’en dépit de leurs luttes, cran
d’arrêt à la main, pour qu’en dépit de la drogue, les flingues, la maladie et la mort, mes personnages survivent, dit-il. Pour qu’ils s’en sortent, d’une façon ou d’une autre.»
Criminels ordinaires débute par une série d’instantanés. L’action se situe alors que les émeutes enflent et
que la Garde nationale débarque en ville pour reprendre le contrôle de la rue. La dernière histoire est celle d’une baise à haut risque, entre une prostituée séropositive et un jeune homme
désespéré, jouissant de se mettre en danger. Ces deux histoires embrassent et résument le propos du roman : une histoire collective des Angelins, sur le point de sombrer dans la folie et la haine
collectives, ou tout simplement corrompus, adaptés à la violence ordinaire, habitués à lutter. Déterminés malgré tout à vivre, à avancer. Et à jouir de l’existence – celle qu’il leur
reste.
Dans le film de Martin Scorsese, Raging Bull, Robert de Niro interprète le rôle du boxeur Jake La Motta. En
un round, La Motta met KO le favori, Sugar Ray Robinson. Plus tard, au cours d’un autre combat, Robinson amoche sévèrement La Motta. Mais ce dernier ne renonce ni ne sombre. Il se relève et fait
front : « Tu ne me mettras jamais KO, Ray. Tu ne me feras jamais tomber. »
Voilà, en un mot, la morale de Criminels ordinaires.
Trottoirs du crépuscule de Karen Campbell (sortie 10 avril 2013)
Le sergent Anna Cameron est nommée à la tête de la Brigade « Flexible », chargée de répondre vite et bien, sur le terrain, à la petite
délinquance urbaine (vols de voitures, larcins, vandalisme, agressions). Leur secteur couvre le « Drag », les quartiers chauds de Glasgow où deal, toxicomanie et prostitution sont monnaie
courante.
En constant sous-effectif, la brigade est submergée, d’autant que Rankin, le chef d’Anna (clin d’oeil à une
autre star du polar écossais ?) exige que le Drag soit régulièrement surveillé et quadrillé. Vu le petit nombre de cellules de garde à vue dont dispose l’équipe, elle doit assigner un ordre de
priorité aux délits qu’elle peut traiter.
Anna Cameron s’efforce de filtrer la marée de crimes alimentée par l’alcool, la drogue, la pauvreté et
l’ennui. Certaines scènes, dotées d’une véritable puissance documentaire, révèlent le quotidien de ces policiers en première ligne, qui se battent pour tenter de sauvegarder un semblant
d’humanité dans le sordide sans s’y enliser eux-mêmes.
Les subordonnés d’Anna, un cocktail de fortes têtes et de tire-au-flanc notoires, lui donnent du fil à
retordre. Les choses ne s’arrangent pas quand Anna y retrouve Jamie Worth, son ex-petit ami rencontré à l’école de police. Jamie est désormais marié à Cath, la rivale d’Anna à l’époque, et père
d’un premier enfant. De son côté, elle vit une histoire plutôt morne avec un de ses supérieurs, un homme marié, présent par intermittence (ce qui lui convient très bien). Son père, lui-même flic,
est mort quand elle était enfant ; sa mère vit en Espagne et se désintéresse de son sort.
Pour l’heure, le principal problème du sergent Cameron est d’arrêter un sadique qui s’en prend aux
prostituées en leur lacérant le visage. Anna a récemment fait la connaissance d’un charmant vieux monsieur : Ezra Wajerski, un Juif polonais victime d’une agression raciste. Quand le vieil homme
est retrouvé mort dans le misérable réduit qu’il habite, Anna accuse le choc et subodore qu’il ne s’agit pas d’un simple cambriolage qui aurait mal tourné.
Au cours d’une patrouille de nuit, elle est à son tour victime d’une agression, assommée et poussée dans un
escalier, probablement par le sadique qu’elle recherche. Gravement blessée, physiquement et moralement ébranlée, elle doit être hospitalisée plusieurs semaines.
À ces premières affaires vont se mêler les relations triangulaires entre Anna, Jamie et Cath. Cette dernière
se débat dans ses problèmes de poids, de couple et de dépression postnatale. Convalescente mais toujours éprouvée, Anna prend le risque professionnel de faire appel à elle, en sa qualité d’ancien
policier, pour lancer une enquête parallèle sur la mort d’Ezra Wajerski. Les deux femmes se lient d’une amitié équivoque. Deux destins de femmes, parallèles, échangeables. Chacune aurait pu avoir
le destin de l’autre si elles n’avaient pas fait, ou subi, des choix différents.
Écrit dans une langue riche, nourrie de vocabulaire et d’argot glaswegian, Trottoirs du crépuscule donne vie
à des personnages justes, authentiques, émouvants. Rien de mièvre dans ce roman, où tout est sensible, quoique dur et sans complaisance. Souvent d’un humour au vitriol, rêche comme le parler de
Glasgow. Sur cette tenture noire, visqueuse et brumeuse comme la ville, se détachent les femmes flics.
D’une voix rare et surprenante dans le roman policier (on songe à The Wire pour l’ampleur, la précision
documentaire et la complexité sociale), Karen Campbell révèle leurs failles, leurs déchirements et leurs sentiments sur le front des quartiers déshérités de Glasgow, au coeur desquels elle nous
entraîne, sans jugement, en posant le regard du flic qu’elle a elle-même été.
La
Quatrième Théorie de Thierry Crouzet (sortie 27 mars 2013)
Téléphone, mails, SMS, réseaux sociaux : nous n’avons jamais autant communiqué. Cloud computing, nanotechnologies : l’homme s’unit de plus en
plus étroitement à la machine.
Cette effervescence technologique nous transforme et transforme le monde. Les puissances politiques,
financières et spirituelles traditionnelles y voient un moyen de contrôle des masses ; d’autres au contraire, entités émergentes et adeptes de théories révolutionnaires, la promesse d’une
nouvelle ère.
Anonymous, LulzSec, MalSec, pirates, hackers… autant d’activistes qui agissent notamment sur Internet. Et si,
sans même le savoir, à cause de vos idées, de votre façon de vivre, de consommer, de vous amuser, vous étiez l’une ou l’un d’entre eux ?
Pour raconter ces transformations bien réelles, Thierry Crouzet a écrit sur Twitter pendant 16 mois, au
rythme effréné des échanges numériques, un thriller interactif et ultracontemporain qui n'est pas sans rappeler la littérature à contrainte de l’Oulipo. 140 signes max par phrase : un style
mitraillé, entraînant, révolté.
23 décembre, 23 heures. Pleins phares, Idé enchaîne les méandres d’un chemin communal. Il a rendez-vous avec
Jos, un ami qu’il n’a pas vu depuis vingt ans. Un accident. Des gendarmes improbables. Un téléphone abandonné. L’appareil sonne et tout bascule. « Cours, cours, ordonne Jos. On se retrouvera.
Nous t’aiderons, mais n’attends rien de nous. » La chasse est lancée.
Dans leur fuite face aux Croisés, Idé et sa famille rencontrent les Freemen. Ces individus libres offrent un
cyberespace inédit de résistance. Adeptes d’un nouveau « vivre ensemble », la quatrième théorie, à l’heure où l’homme s’enchaîne aux nouvelles technologies, ils cultivent un modèle de société
organisée en réseau mais non hiérarchisée. Tous recherchent Jos.
Terroriste pour les uns, prophète d’une nouvelle humanité pour les autres, Jos éveille nos consciences :
l’homme du XXIe siècle se présente comme l’artisan de son destin, sûr de lui et autosuffisant. Deux visions du monde s’affrontent. La guerre a commencé.
Ancien journaliste, auteur chez Fayard de J'ai débranché, le récit d'un burn-out numérique, Thierry Crouzet a
été l’un des premiers internautes français. Il a publié près d’une trentaine de guides de vulgarisation, à plus de 100 000 exemplaires. Depuis la sortie du Peuple des connecteurs (2005) il
décrypte les réseaux sociaux, faisant de son blog et de sa communauté de plusieurs