Après le billet de Richard, il fallait bien que je lise ce
roman, qualifié de politiquement incorrect. Avec un sujet dont l’idée, déjà vue, se révèle intéressante, cela faisait suffisamment de raisons pour découvrir Greg Olear.
Todd Lander se souvient. Il lui aura fallu 18 années pour oser coucher sur papier la vie qu’il a connue en 1991. A l’époque, il venait de finir ses études, rêvait de travailler dans le show business comme acteur ou comme scénariste. 1991, c’est aussi la guerre du Golfe, le père Bush aux commandes du pays et la crise économique qui laisse sur le carreau toute une génération de jeunes gens diplômés, ce qui créé chez eux une haine des baby-boomers.
En 1991, Todd vit de petits boulots, et partage son appartement avec Taylor Schmitt, une jeune femme belle et excitante, bourrée d’ambition. Taylor veut travailler dans le monde de l’édition et fait tous les bureaux de placement. Mais la réponse est toujours la même : « laissez nous votre adresse et on vous écrira ». Un matin, elle trouve une invitation d’une nouvelle agence Quid pro quo, dont le slogan est : « Un job pour lequel vous seriez prêt à tuer ».
Chez Quid pro Quo, elle rencontre Asher Krug, un cadre très élégant dont elle s’éprend. Du jour au lendemain, Taylor est placée chez un éditeur, pour un salaire beaucoup plus élevé que ce qu’on lui propose ailleurs. Elle est immédiatement en charge de la promotion d’un nouveau roman. Quid pro quo lui demande en contrepartie de ce travail, 20% de son salaire et une tâche et une seule : le licenciement d’une personne, c'est-à-dire l’assassinat de celle-ci.
A lire tous les billets qui fleurissent sur le net à propos de ce livre, on finit par se faire une idée préconçue de l’intrigue. Je dois dire que j’ai été un peu surpris, je m’attendais à un roman à l’humour débridé, très cynique et inconvenant. J’y ai plutôt trouvé un premier prometteur, une belle analyse de société et un auteur qui sait faire vivre ses personnages et qui sait sacrément bien écrire.
Car si le sujet est annoncé en quatrième de couverture, à savoir pourquoi ne pas tuer nos aînés pour que les jeunes aient du travail, j’ai trouvé un intérêt ailleurs dans cette intrigue : un très beau portrait de jeunes gens perdus face à leur entrée dans le monde du travail. Que ce soient Todd ou Taylor, nous avons deux personnages vivants, confrontés à leurs incertitudes, leurs doutes, leurs difficultés de tous les jours. Les Américains sont très forts quand il s’agit de parler d’eux-mêmes, mais quand c’est un premier roman, ça force le respect.
Et puis il y a le contexte. Sans être lourd ou répétitif, Greg Olear nous montre comment la vie était il y a vingt ans, seulement vingt ans ! Les gens sont les mêmes, les crises économiques sont les mêmes, les gens qui cherchent du travail sont les mêmes, mais la société a évolué d’une façon incroyable. Il sait nous plonger dans le passé de façon remarquable, avec ce détachement et parfois cette petite dose de cynisme qui fait sourire.
C’est aussi une belle démonstration de la guerre des générations, qui existait avant, qui existe aujourd’hui et qui existera demain. Place aux jeunes ! Et les personnages nous font des démonstrations tellement logiques que cela dépasse le simple coup de force littéraire, et il faut une bonne dose d’humour noir pour accepter certaines phrases qui vont du pur racisme à la logique de meurtres des gens haut placés. Ce n’est pas désagréable, mais surprenant de lire cela alors que l’on sort de vingt pages « sérieuses ». C’est un livre vraiment particulier qui donne à réfléchir. Et malgré quelques longueurs et un égocentrisme appuyé, c'est un bon premier roman qui laisse augurer une oeuvre à venir intéressante de Greg Olear.
Alors, n’y cherchez pas un thriller, mais une belle plongée dans les années 90, un roman à ne pas prendre au sérieux mais avec quelques belles réflexions. Et puis, cela vous donnera sûrement envie de lire Le couperet de Donald Westlake (qui est un chef d'oeuvre, plus que le film) dans le genre cynique, Le tri sélectif des ordures de Sébastien Gendron dans le genre délirant ou Mort aux cons de Carl Aderhold pour rire et réfléchir.
De nombreux avis sont disponibles sur la toile, et parmi eux ceux des collègues Jean Marc et Jeanne. A vous de vous faire un avis.