En attendant le critique du monumental Ellroy, voici un petit billet pour se rappeler de ce grand roman qu'est Callisto. Ce roman, j’avais décidé de le lire après un article élogieux dans Les Inrockuptibles en 2007. Et puis, lors de discussions avec mes copains blogueurs, je me suis rappelé que cela valait le coup d’en reparler, et qu’il est Ô combien d’actualité. Cela fait deux ans que je l’ai lu, et je m’en rappelle comme si c’était hier. C’est signe d’un excellent roman.
Au moment où, guerre en Irak oblige, l’armée américaine a fort besoin de jeunes recrues, Odell Deefus, grand benêt de vingt et un ans, voit là sa chance de tracer son chemin dans le monde... Hélas, sa vieille Chevy rend l’âme à quelques kilomètres du bureau de recrutement des marines de Callisto, dans le Kansas, devant le pavillon de Dean Lowry, petit trafiquant de drogue récemment converti à l’islam. Pour Odell, c’est la fin d’une carrière militaire et le début des ennuis. Car le voici avec un, puis deux cadavres sur les bras, dans le collimateur de policiers corrompus, avec un dangereux télévangéliste et des services secrets hypocrites aux trousses. Les chaînes d’information ont tôt fait de s’en mêler, le FBI rapplique et Odell, entre petites combines et gros poissons, est entraîné dans un tourbillon d’aventures délirantes...
Ce n’est pas parce que ce roman a été écrit en pleine guerre d’Irak qu’il est démodé ou daté. Certes le contexte est celui des années post-11 septembre, de la folie paranoïaque des Etats-Unis, mais le plaisir est assurément au rendez vous. Le début commence par une sorte de farce, avec un personnage haut en couleurs, et tout de suite sympathique, sur qui il va tomber des mésaventures toutes plus drôles les unes que les autres. Le rythme est soutenu, la langue extraordinaire, les situations hilarantes. Ce livre n’a pas été écrit par un amateur, c’est sur.
Les scènes s’amoncellent telles ce cadavre enterré et déterré pas moins de six fois, les personnages secondaires qui sont une formidable charge contre les soi-disant bien pensants, les déclarations d’amour ( !) à Condoleezza Rice. Les occasions de rire ne manquent franchement pas.
Peu à peu, le roman devient un peu plus sérieux et on rit jaune, puis on ne rit plus du tout. Car le but de cette histoire est de nous faire réfléchir sur la tournure qu’a pris notre monde, sur la folie qui a pris nos dirigeants, et qui se transmet jusqu’au plus petit maillon de notre société.
Ce roman est tellement bien écrit qu’il se lit d’une traite, sans s’arrêter tant c’est à la fois drôle, passionnant, mais aussi à cause du personnage principal. Odell, ce grand benêt, veut juste être un bon citoyen, et il se retrouve embringué dans une histoire dont il finit par ne plus ni contrôler ni comprendre ce qui lui arrive.
Personne ne sait qui est Torsten Krol. Il paraîtrait qu’il s’agit du pseudonyme d’un grand auteur américain. On peut regretter que l’auteur en question ait utilisé ce subterfuge, car cela aurait donné plus de poids et de lecteurs à ce roman exceptionnel, vraiment à part par son humour grinçant et cynique à souhait. C’est un roman du niveau de Le Bibliothécaire de Larry Beinhardt, mais en plus décalé, ce qui permet à son message d’être d’autant plus frappant et flippant.